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Quatre saisons à Bronte harbour
Quand, le week-end, nous rechignons à faire des kilomètres pour aller nous aérer, il nous suffit de marcher quelques minutes pour trouver le bon air côtier du lac Ontario, sur le charmant port de Bronte. Un an et demi s'est écoulé depuis notre installation ici, et je ne vous y ai toujours pas emmenés... Allez, c'est parti !
Ce petit port cosy est établi depuis le milieu du 19ème siècle sur l'estuaire de la rivière éponyme, Bronte Creek, de son premier nom Twelve Mile Creek, en raison de la distance que les cartographes avaient mesuré depuis l'extrémité ouest du lac, le point de référence (on retrouve aussi plus à l'est une Fourteen Mile Creek, puis une Sixteen Mile Creek où s'est installé le port d'Oakville).
Juste en amont du port, serpentant entre les zones résidentielles, la rivière est restée très sauvage.
La balade sur le port est agréable en toute saison, et j'y ai parfois la nostalgie de mon petit Croisic breton (marrant ça, je viens de remarquer que breton et Bronte sont de parfaits anagrammes).
Pour une fois, le lieu ne doit pas son nom à une parenté avec une autre localité européenne, il a simplement été emprunté à un héros de la Marine britannique, le Duc de Bronte. Et Bronte est un mot grec signifiant "Tonnerre". De là à s'exclamer "Bronte de Brest !", il n'y a qu'un pas...
Mais si ce n'est le nom, ce sont mes 5 sens qui font "tilt" quand les mâts tintent dans la brise, que les vagues s'écrasent contre la jetée les jours de grand vent, ou quand les relents d'algues échouées assaillent mes narines.
L'automne est sans doute la meilleure saison pour s'y balader… (Là j'enfonce une porte ouverte car c'est valable où que vous soyez au Canada !).
Aux premiers froids, les bateaux désertent en quelques jours les berges de la rivière et la marina,
Les premières neiges confirment le début d'un hiver long et blanc, qui figera le décor pendant 5 mois. Pourtant les oies restent fidèles aux lieux.
Fin avril, le printemps pointe enfin, les yachts et les nouveaux-nés se jettent à l'eau.
Avec l'été les défilés reprennent...
De l'autre côté du chenal, les enfants ne résistent pas à l'appel du sable, sur la plage qui a remplacé un ancien marécage. On ne s'y baigne pas, on trempe juste les pieds, et on évite soigneusement les cygnes à fort tempérament qui n'hésitent pas à attaquer pour obtenir leur part du goûter...
Les abords de l'estuaire constituaient, au début du 19ème siècle, une réserve indienne (tribu des Mississaugas), qui fut échangée contre des terrains le long de la Credit river, plus à l'est.
En 1834 les colons s'installent sur la toute nouvelle concession de Bronte, enclavée entre Rebecca Street au nord, East Street et West Street (ces rues existent toujours).
Le port de Bronte hier... et aujourd'hui
Le port prend son essor dans les années 1840 lorsque la Bronte Harbour Company, créée sous l'égide de Samuel Bealey Harrison, transforme la crique marécageuse en un carrefour commercial prospère autour du blé, des fruits et du bois de construction.
source: Oakville heritage trails
Mais en 1856, le chemin de fer arrive dans la région et éloigne le trafic commercial du lac et de Bronte.
L'activité halieutique prend alors le relai jusque dans les années 1940, avant de péricliter avec l'irrémédiable décroissance des populations de poissons dans le lac Ontario.
En parallèle de la pêche, une autre activité très spécifique au littoral nord du lac Ontario se développe à la fin du 19ème siècle: l'extraction de roches argileuses indurées (appelées Dundas Shales) en eaux peu profondes. Le terme anglais est Stonehooking.
Les marins soulevaient les blocs de roche avec des sortes de râteaux à crochets depuis leurs barges, avant de les charger sur des voiliers. Ces pierres ont été massivement utilisées dans les fondations des immeubles de Toronto, avant l'apparition du béton au 20ème siècle, au point que cela participa à l'érosion des berges.
Un vaisseau de transport des Dundas Shales, avec sa barge d'extraction. Source: Wikipedia
Une des seules maisons encore debout construite avec ces Dundas Shales, sur Bronte road, face au chenal.
De ses débuts jusqu'en 2000, le village de Bronte, devenu un quartier d'Oakville dans les années 1960, sut tirer partie de ses acquis pour développer une construction navale de qualité; d'illustres yacht sortirent de ses chantiers dans les années 1970.
La navigation de plaisance est devenue l'activité première aujourd'hui. Quelques pêcheurs à pied persistent sur les digues à la belle saison, bien que le lac soit encore relativement pollué par le trafic maritime et l'industrie.
Dans l'héritage historique du village, voici les lieux les plus emblématiques:
En rive ouest, sur un promontoire boisé qui domine la plage, se dresse la maison Sovereign, du nom d'un des premiers notables de Bronte, Charles Sovereign. Elle a aussi hébergé au début du 20ème siècle l'écrivaine Mazo de la Roche, connue pour sa saga familiale Jalna, et qui a puisé une partie de son inspiration dans l'environnement local.
L'année passée j'en ai lu quelques épisodes, empruntés à la bibliothèque, pour m'imprégner de l'ambiance locale au temps des premiers colons; mais j'avoue que l'histoire est à peine assez moderne pour me passionner au point de lire les 16 tomes en anglais...
La maison, qui était à l'origine située plus à l'ouest, a été relocaliseée en 1988 près de la plage … Mais pas démolie et reconstruite, non !… réellement soulevée puis transportée sur un énorme plateau tracté. Ça fait partie des coutumes locales: on n'hésite pas à déplacer les maisons anciennes... du moment qu'elles sont en bois, aucun problème !
Derrière le boulevard Lakeshore (ex-Triller street), se tient l'église protestante de Walton, dont la première version en bois, initialement érigée en 1850 tout près de la rivière, avait également subi un transfert vers le présent lieu.
Autres édifices "anciens" du port, ces deux maisons récemment rénovées, sises à l'est du chenal, face au parc et à la marina:
L'ancienne poste.
Un ancien hôtel.
Enfin, à l'extrémité ouest de l'ancienne concession, au fond d'une impasse, on découvre le vieux cimetière de Bronte. C'est un lieu calme et hors du temps, où quelques pierres tombales, éparpillées sur une grande pelouse ombragée, non clôturée, semblent lutter pour rester debout, défiant le lac.
Car ces eaux qui semblent inoffensives ont pourtant expédié quelques marins dans ces sépultures, allant même jusqu'à reprendre des corps dans les tombes situées trop près du rivage, gagnées par des éboulements.
L'Ontario street a subi le même sort de ce côté du port. Il semble que le lac ne tolère plus que les promeneurs à pied le long du rivage...
D'ailleurs je vous montrerai prochainement quelques vues depuis les chemins côtiers.
Tags : Bronte, port, plaisance, pêche, stonehooking, lac Ontario
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