• La mission de Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons

    Cet été nous nous sommes plongés pendant une demi-journée dans une page de l'histoire du Canada, à Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons, sur la rive sud de la baie géorgienne.

    La mission de Sainte-Marie-les-Hurons

    source: Google Maps

    Une seule page d'histoire à l'échelle des 300 ans de colonisation, car cette mission jésuite française du 17eme siècle ne perdura que dix petites années… Sans toutefois être anecdotique, car elle fut le premier établissement français en Ontario, et les 66 canadiens-francais qui y vivaient en 1648 représentaient non moins d'un cinquième de la population de la Nouvelle-France !

    Sainte-Marie-les-Hurons

     Fresque gigantesque dans le port de Midland, à quelques km du site de Sainte-Marie                                                       où se sont côtoyés Jésuites et Hurons (qui se nommaient eux-mêmes Ouendats ou Wendats).

    En parlant d'anecdote, en voici une au sujet de la coiffure des indiens: lorsqu'il arriva en pays Huron au tout début du 17ème siècle, Samuel de Champlain surnomma les indigènes "Cheveux relevés, pour les avoirs fort relevés, et agencés, et mieux peignés que nos courtisans" ! Dit comme ça, c'est plus flatteur que le nom qui leur a été définitivement attribué, en référence à la hure (tête) de la femelle du sanglier.

    C'est à cette époque que les Hurons commencent à négocier des fourrures avec les Francais, qui traitaient alors essentiellement avec les indiens Algonquins établis plus à l'Est.

    La route commerciale entre Nouvelle-France et Huronie passait largement au Nord, remontant la rivière des Outaouais (Nord-Sud) depuis le Saint-Laurent, puis la rivière Mattawa (Est-Ouest), traversant le lac Nissiping, continuant par la rivière des Francais qui se jette au nord-est de la baie géorgienne; jusqu'à la région de Sainte-Marie, elle totalisait environ 1000 km de voies d'eau.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    A partir de 1639, les Jésuites débutent donc à Sainte-Marie la construction d'une église, de logements, d'ateliers, et d'une aire d'accueil couverte pour les indiens… Des palissades seront rapidement ajoutées pour contrer les attaques répétées des Iroquois venus du Sud, ennemis de toujours des Hurons, redoutables guerriers et armés par leurs alliés hollandais et anglais. 

    Le camp  s'organise en trois parties: une partie réservée aux Jésuites et à leurs aides (frères convers, laïcs, militaires), une partie réservée aux indiens, et, entre les deux, une zone de rencontre autour d'une deuxième église.

    Les Jésuites s'appliquent à instruire et à christianiser les indiens, tout en s'initiant à leurs coutumes et à leur langue.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Les maisons des Jésuites, aux toitures d'écorce ou de bardeaux.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Sainte-Marie-les-Hurons

     Confort minimal dans les chambres des religieux.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Seul l'autel a droit à un peu plus de fantaisie.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Du côté accessible aux Hurons , on trouve le fameux tipi, un habitat classiquement nomade, utilisé par les chasseurs.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Mais dans les villages, c'est la maison-longue qui faisait office d'habitation; jusqu'à 40 personnes y  vivaient autour de 2 ou 3 foyers. 

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Les principales cultures indiennes sont le maïs, les fèves et les courges. Les indiens croyaient que les esprits de ces  plantes étaient trois soeurs qui s'aimaient tant qu'elles préféraient rester côte à côte.  Lors des semis, les indiens invoquaient les dieux du tonnerre pour qu'ils soient cléments; l'arrivée à maturité en fin d'été était l'occasion de célébrations, et lors de la lune suivante, ils dansaient en l'honneur des récoltes. Le cycle de vie était complet et les femmes chantaient  "les trois soeurs sont heureuses car elles rentrent une fois de plus à la maison après un été dans les champs".

    Aujourd'hui cette tendre fratrie serait plutôt appelée "partenariat écologique": le maïs sert de support aux haricots, les haricots fixent l'azote dans le sol, les courges (ou potirons, courgettes…) agissent en couvre-sol, conservant l'humidité et limitant l'envahissement par d'autres plantes. Quel beau trio !

    Des jardins de la mission fournissent également des herbes, légumes et fruits.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Beaucoup de vraies fourrures sont exposées sur le site: ratons-laveurs, renards, loups ou coyote, et même ours… Etonnant, car on n'a pas l'habitude d'en voir et d'en toucher aussi facilement en Europe !

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Au Canada on en trouve dans  toutes les grandes villes: fourrures brutes dans des boutiques d'artisanat indien et fourrures devenues manteau, toque ou tour de cou, dans les boutiques de prêt-à-porter. Les deux-tiers des fourrures canadiennes sont issues d'élevages (visons et renard principalement). Les autres sont fournies par les 60000 trappeurs, dont 25000 Autochtones (les plus courantes fourrures sauvages sont celles de rat musqué, castor, martre, écureuil, raton laveur, lynx). 

    Les Hurons chassaient essentiellement les chevreuils et les castors. Ils étaient également pêcheurs.

    Du côté de l'artisanat indien, on apprend notamment que l'écorce de bouleau, très étanche, permettait de fabriquer des paniers, des outres (il ne restait qu'à étancher les jointures  avec de la résine), mais aussi des canoës: une aubaine pour les longs voyages entre eau et terre ferme, la légèreté du matériau en facilitait grandement le portage.

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Dans le camp des Jésuites, les volontaires en costumes nous montrent le travail de la forge, l'écriture à la plume, la cuisine, la menuiserie; nous nous essayons notamment au perçage de planches avec l'ancêtre de la perceuse. Une fois attrapé le coup de main, c'est très efficace !

    Sainte-Marie-les-Hurons

    Les relations entre Jésuites et Hurons étaient plutôt bonnes, mais certains indiens s'opposaient fortement aux missionnaires en raison de leur empressement à les convertir et à les éloigner de leurs coutumes et croyances. Ils reprochaient aussi aux Français de ne pouvoir les guérir des maladies qu'ils apportaient avec eux (petite vérole…) et contre lesquelles ni le Chaman, ni le médecin de la mission ne pouvaient lutter, malgré leurs connaissances complémentaires.

    Et dès 1949, les Jésuites et les Wendats sont contraints de fuir la mission et même la région, sous les multiples assauts des Iroquois. Les Jésuites incendient le site avant leur départ. Ceux qui sont faits prisonniers mourront dans d'atroces souffrances, comme les martyrs Jean de Brebeuf, ou Gabriel Laleman, dont les sépultures en pays huron sont devenues un lieu de pèlerinage.

    Du côté des Hurons, le bilan des 20 années écoulées est très lourd: l'effectif passe de 20/30000 individus vers 1630 à quelques centaines seulement en 1950, sous le coup des massacres, épidémies et famines.

    1649 marque aussi le début de la dispersion de la nation huronne; des groupes migrent vers l'Ouest, donnant naissance aux Wyandots des Grands Lacsétablis entre USA et Ontario; d'autres rejoignent les Iroquois qui les assimileront; enfin, quelques centaines de Hurons-Wendats chrétiens suivent les Jésuites vers Québec et s'établissent définitivement sur le site de Jeune-Lorette en 1697. Environ 1500 personnes vivent aujourd'hui sur ce site, devenu réserve indienne de Wendake.

    Quant au site de Sainte-Marie, il a été peu à peu reconstruit à partir des fouilles archéologiques menées depuis 1920 et revit tous les ans, d'avril à octobre, pour le plaisir des petits et des grands !

     


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