• La magie Mazinaw - parc de Bon Echo

    Il y a trois semaines nous nous sommes décidés à acheter une tente familiale, car quel meilleur pays que le Canada pour initier les enfants au camping ?

    Mais pourquoi ne pas être allés camper cet été, au fait ? Eh bien, on y avait sérieusement pensé, loué la tente, réservé un emplacement backcountry dans le parc Algonquin, et figurez-vous que le jour-même, le pire orage de l'été s'est déclaré ! Vraiment pas de bol ! Quoique… bizarre quand même… Maintenant que j'y pense, je soupçonne quelques éléments de la troupe d'avoir invoqué les esprits malfaisants pour éviter une nuit parmi les loups et les ours… (les coupables se reconnaitront wink2…).

    Au final, on a tout autant confiance en l'automne, qui nous a offert de belles journées, et il faut bien profiter du pont de Thanksgiving (11 au 13 octobre).

    Sans aller jusqu'au Québec ni dans les Rocheuses, nous avions tout de même envie de voir du relief; Bon Echo provincial park, situé à peu près à mi-chemin entre Toronto et Ottawa, nous promettait une belle et haute falaise, des sentiers, et du canoë… Parfait !

    Quelques jours avant, petit coup d'oeil sur les prévisions météo du week-end… Ouf, la pluie s'est décalée au lundi, mais les nuits risquent de descendre sous le zéro ! Tant pis, c'est maintenant ou à la Saint Glinglin… alors je réserve illico notre emplacement de camping.

    Campons a Bon Echo

    C'est celui-ci !

    Campons a Bon Echo

    Après l'installation de la tente, la chasse aux brindilles et la joie du premier feu de camp, nous nous réfugions dans nos duvets peu après le coucher du soleil, vers 19h … Ouh là ! Glagla ! Les prévisions météo se confirment ! 

    "Ziiiip !... ziiiip!… et ziiiiip!", tout est bouclé, c'est bon ! Car les animaux sauvages et les esprits malins ne vont pas tarder à roder…oh

    Et voila que soudain des  "Aouhhhhh!" retentissent au fond des bois…"Maman! C'est quoiiii ? Un loup ?"

    Bien imité, mais fausse alerte,  juste des campeurs éméchés qui s'amusent à effrayer les enfants.

    Les nôtres finissent par s'endormir… Hélas, pendant la nuit, un Maymaygwayshi (je vous expliquerai plus loin) nous les transforment en petites sardines qui s'entêtent à glisser hors de leur duvet à chaque soubresaut. De quoi ne dormir que d'un œil.

    Résultat, il a fallu prendre des mesures drastiques pour la deuxième nuit: opération "sardines en boîte", tous les 4 sur le même matelas. Deux sardines ont encore essayé de s'enfuir, une par le haut, l'autre par le bas, mais on a réussi à les garder au chaud sans même les attacher, un exploit ! 

    A priori, aucun raton-laveur ne semble avoir manipulé nos fermetures-éclair (Mais si, c'est possible !), et aucun ours ne semble avoir reniflé nos affaires (Facile, les provisions étaient à l'abri dans la voiture).

    Au matin, les images de bêtes sauvages et de maléfices s'évanouissent dans un paysage baigné d'une douce lumière : un mastodonte de granit rose, surmonté d'un troupeau d'arbres chatoyants, se repose tranquillement dans les eaux paisibles du lac Mazinaw.

    Pour mieux juger de la hauteur de la bête, nous nous approchons au maximum, jusqu'au Narrow, le détroit qui délimite l'Upper Mazinaw Lake et le Lower Mazinaw Lake.

    La roche de Mazinaw est aussi pompeusement nommée la "Gibraltar canadienne" !

    C'est un passage obligé pour les canoës qui, depuis l'embarcadère situé dans le Lagoon, un peu plus au Sud, souhaitent approcher la falaise.

    Au camping de Bon Echo

    On se laisse tenter...

    De là on imagine encore mieux les forces telluriques qui ont œuvré; il y a 60 millions d'années, une faille nord-sud générait ce décrochement vertical dans le socle granitique; plus récemment, les glaciers ont pris le relai pour façonner le paysage actuel, avant de se retirer, créant ce lac d'une dizaine de kilomètres de long et de 145m de profondeur.

    L'ascension de la paroi est réservée aux grimpeurs chevronnés. Nous en avons vu une dizaine a l'oeuvre ce dimanche.

    Il y a également de très vieux cèdres blancs qui s'accrochent à la roche. Plus ou moins vivants, certains seraient presque millénaires !

    Au camping de Bon Echo

    Mais si les canoës sont nombreux à longer la falaise, c'est surtout pour aborder son empreinte culturelle… On y découvre en effet d'énigmatiques traces rouges: des peintures rituelles aborigènes (aire des indiens Algonquins). Il n'existe pas de datation précise de ces pictogrammes, mais on trouve des dessins de même type, sur d'autres sites historiques au Canada, et qui seraient âgés de 2000 à 5000 ans. Le site de Mazinaw compte non moins de 260 peintures rupestres.

    Les barres verticales pourraient être une simple technique de comptage utilisée lors de rites spirituels. 

    Voyez-vous, ci-dessus sur la droite, ce bonhomme très symbolique, qui semble s'échapper en courant de la fracture ? C'est lui le Maymaygwayshi, un petit être velu qui se laissait rarement voir mais inspirait tant la crainte que des offrandes lui étaient faites pour assurer aux embarcations une navigation sereine.

    Si on ne pratique pas la varappe, on peut néanmoins atteindre le sommet de la falaise par un sentier (le Cliff Top Trail) qui démarre sur la rive Est, accessible par bateau. Une navette fait l'aller-retour en journée depuis le lagon (ci-dessus).

    Là-haut nous profitons de beaux panoramas sur la forêt boréale et sur le lac Mazinaw.

    Les Amis de Bon Echo, co-gestionnaires du parc et notamment affréteurs de la navette, incitent les touristes à embarquer un seau de graviers  pour participer à la conservation du sentier. Une belle occupation pour les enfants… et vu le nombre de touristes sur ce seul dimanche, l'objectif n'est pas un vœu pieu.

    Il suffit d'arriver sur la zone à entretenir, signalée par des panneaux, pour se rendre compte que ces efforts individuels multiples remplacent  ni vu ni connu de plus coûteux travaux. 

    Comme la plupart des parcs naturels au Canada, celui-ci hébergeait davantage de constructions il y a un siècle, et notamment un hôtel, le Bon Echo Inn. C'est d'ailleurs l'hôtel qui a laissé son nom au parc. Le Docteur Price et son épouse Florence, séduits par la beauté sauvage des lieux, y font construire l'établissement en 1899, près du Narrow, juste en face de la falaise.

    Camping à Bon Echo

    Il sera pour 10 ans un lieu de retraite quasi-religieuse pour gens aisés. En 1910 l'hôtel est vendu à Flora Denison, une féministe de Toronto, qui en fera un havre prisé des artistes, comme les peintres du Groupe des Sept dans les années 20 (paysages typiques de l'Ontario, et très colorés), ou les admirateurs du poète américain Walt Whitman, à qui une gravure de 1919 sur la roche Mazinaw rend hommage, à l'occasion du centenaire de sa naissance:

    Camping à Bon Echo

    On y trouve un extrait de son oeuvre:

    My foothold is tenon’d and mortis’d in granite (Mon pied est fixé à tenon et mortaise dans le granit)

    I laugh at what you call dissolution ( Je me moque de ce que vous appelez dissolution)

    And I know the amplitude of time (Car je connais l'amplitude du temps).

     

    L'hôtel ferme dès 1928 et sera détruit par un incendie en 1936. Il n'en reste plus aucune trace:

    Camping à Bon Echo

    Je ne serais pas étonnée que les divinités ancestrales qui hantent ces lieux aient aidé à faire place nette…

     


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